À première vue, le laser est un instrument produisant un rayon lumineux
concentré et parfois intense. Bien que la puissance et la concentration du laser soient ses
propriétés les plus connues, c’est surtout la pureté de sa lumière qui lui donne son
importance technologique. Cette lumière est pratiquement d’une seule couleur ou, pour
utiliser un langage de physicien, monochromatique.
Pour vous donner une idée de la pureté de cette lumière, prenez par exemple le
laser HeNe souvent utilisé dans nos écoles. Basé sur un mélange gazeux
d’hélium et de
néon (d’où son nom), il donne une lumière rouge qui ne dévie que de 0.0003% par
rapport à la longueur d’onde centrale, elle-même située autour de 633 nanomètres1.
Certains lasers stabilisés donnent une lumière encore plus pure, mais ils sont évidement
plus coûteux.
Afin de comprendre comment fonctionne le laser, il est instructif de faire un petit
exercice : essayons d’imaginer un dispositif qui produirait une couleur aussi pure que le
laser, mais avec des pièces plus simples. La Figure 1 montre un ‘laser’ basé sur une
ampoule incandescente ordinaire qui émet de la lumière blanche. En utilisant un filtre
dit ‘passe-bande’ qui ne laisse passer qu’une gamme très étroite de couleurs, on pourrait
obtenir un faisceau lumineux aussi pur que celui du laser HeNe. C’est vrai qu’en pratique
ce serait bien difficile trouver un tel filtre, mais ce n’est pas impossible.
Ce ‘laser’ artisanal a plusieurs limitations, cependant.
D’abord, la portion lumière de l’ampoule qui traverserait le filtre serait très petite.
À partir des 100 Watts consommés par une ampoule typique, seulement 5 Watts de
lumière blanche est émis, le reste étant de la radiation invisible (de la chaleur, par
exemple). De cette lumière blanche, environ 20 microwatts ou 0.00002 Watts de
lumière se trouve à l’intérieur de la bande passante du filtre. Et puisque l’ampoule émet
sa lumière dans toutes les directions à la fois, seulement une petite fraction de cette
puissance sortirait par le trou. En supposant que l’on réussisse tout de même à diriger la
moitié de la lumière de l’ampoule vers le trou, on aurait alors un ‘laser’ de 10 microwatts.
Pas très puissant.
Un second problème : le rayon sortant ne serait pas directionnel ou concentré
comme celui d’un vrai laser. Si vous prenez un laser HeNe avec un faisceau collimaté
(parallèle) de 1cm de diamètre et que vous le pointez vers un édifice situé à 1 km de vous,
le faisceau aura un diamètre d’environ 10 cm sur l’édifice. Cet éparpillement inévitable
de la lumière est causé par un phénomène appelé diffraction en optique. Par contraste,
on peu estimer que notre ‘laser à ampoule’ produirait une tache rouge d’environ 20
mètres de diamètre.2 Pourquoi? C’est que, dans ce type de design, la divergence du
faisceau est déterminée par la taille du trou et sa distance de l’ampoule. Pour avoir un
faisceau aussi directionnel que celui du laser HeNe, il faudrait placer un trou de 1 cm de
diamètre à plus de 100 mètres de l’ampoule -- et bien sûr trouver une boîte aussi longue
pour inclure le tout. Le problème, c’est qu’avec trou placé aussi loin de la source, la
lumière sortante serait de l’ordre du femtowatt (ou 10-15 Watts). C’est de quoi faire rire
un moustique.
Enfin, il y a un troisième problème plus fondamental. Bien que de couleur aussi
pure qu’un laser, notre faisceau ne pourrait pas interférer avec un autre faisceau
similaire car il lui manque une propriété additionnelle : la cohérence. Pour que deux
ondes interfèrent, elles doivent êtres reliées par leur phase3. Or dans l’ampoule, la
lumière est émise aléatoirement par différents atomes à différents moments, et donc il
n’y aucune relation de phase fixe entre eux. Le résultat global est une lumière qui ne peut
pas être décrite simplement comme une onde sinusoïdale, donc incohérente. Oublions
donc l’holographie et toute une panoplie d’autres applications pour notre ‘laser à
ampoule’.
Notre laser de la Figure 1 fait donc piètre figure face au vrai laser qui, lui, dans des
dimensions très compactes, peut fournir un beau rayon cohérent de plusieurs Watts de
puissance (si l’on suppose 100 W d’alimentation). Comment celui-ci peut-il produire un
aussi beau faisceau avec autant de puissance? C’est qu’au coeur du laser se trouve un
processus de création de la lumière qui fondamentalement différent de celui de notre
ampoule : l’émission stimulée. Contrairement à l’ampoule, les petits paquets de lumière
(qu’on appelle photons) sont produits par le passage de d’autres photons près d’un
atome. Un atome qui se trouve dans un état excité peut être ‘chatouillé’ et incité à
émettre un second photon qui est pratiquement un clone du premier : même couleur,
même phase, même direction, même polarisation, etc. C’est un processus quantique que
le laser exploite à fond, à un point tel que tous les photons qui sortent par le faisceau
sont identiques! Le rayon laser idéal est donc une multitude de photons identiques qui se
comportent comme un seul gros photon, d’où la cohérence.
La figure suivante montre le principe de fonctionnement du laser.
Tout laser possède 3 parties essentielles: A) un milieu amplifiant (1), B)
une cavité pour que la lumière fasse un va-et-vient (les miroirs 3 et 4) et C) une
pompe qui alimente le milieu amplifiant (2). Ce milieu amplifiant est constitué
d’atomes ou molécules excités, et qui peuvent donc émettre des photons par
émission stimulée. La pompe maintient cette excitation à l’aide, comme c’est le
cas du laser HeNe, d’une décharge électrique. Les miroirs de la cavité font
rebondir les photons produits, qui peuvent ainsi stimuler la création de d’autres
photons identiques.
Un détail : le miroir 4 semi transparent. Il laisse typiquement passer de 1 à
10 % des photons (ou ~2% dans le cas du laser HeNe), ceux qui devenant le
faisceau que l’on voit sortir. Puisque ce n’est qu’une toute petite fraction de la
lumière qui s’échappe du laser, la lumière à l’intérieur du laser est bien plus
intense que celle du rayon qui sort. (Notez qu’il n’existe pas de ‘trou’ pour faire
sortir le faisceau laser, seulement un miroir semi transparent.)
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