Le premier des grands jardins classiques français fut commandé
par Nicolas Fouquet, surintendant des Finances et mécène des plus illustres écrivains et artistes de son temps, pour son château de Vaux-le-Vicomte. Il fallut six ans (de 1656 à 1661) pour achever les travaux d'architecture conçus par Louis le Vau. Le jardin, dont la splendeur égalait celle du château, était l'œuvre d’un paysagiste encore peu connu : André le Nôtre. Vaux-le-Vicomte fut le modèle de tout ce qui se fit par la suite, l’ensemble le plus achevé étant le parc du château de Versailles (1661-1688). Le Nôtre a créé un genre, le jardin « à la française », qui va connaître une vogue quasi universelle, des campagnes anglaises aux abords glacés de Saint-Pétersbourg. L’influence italienne s'y retrouve dans l’utilisation des terrasses en plans successifs, mais tout y est à une plus grande échelle. Les différences de niveaux tendent à s’estomper et on modèle les plaines, qui, par décrochements imperceptibles à l'œil de l’observateur, paraissent s'étendre à l’infini. Le jardin, ordonné en fonction du bâtiment qu’il orne, dessine des perspectives rectilignes soulignées par un écrin d’arbres soigneusement taillés qui se perdent dans les lointains. Un canal ajoute encore au caractère géométrique de l'ensemble. Au cœur de ces innovations typiquement françaises, des bassins circulaires brisent l'ordonnance trop anguleuse des parterres bordés de buis.
Le jardin à la française se présente donc comme un gigantesque tapis dont les motifs seraient faits d'arbustes taillés et de massifs monochromes, et qui serait entouré d'une « forêt » domestiquée où les clairières alternent avec des labyrinthes d'ifs ou de charmilles. Refuges pour les courtisans et salons de plein air, ces enclos sont ornés de statues, de faunes et de nymphes. Dans cet ensemble rigoureux, l’eau joue un rôle important. Comme dans le parc de la villa d'Este, construit à Tivoli au milieu du xvie siècle, elle participe intimement à l'effet général donné par l'architecture et le parc. Ses jaillissements minutieusement orchestrés émerveillent encore par leur splendeur. Ainsi, le jardin à la française sacrifie-t-il l’élément purement végétal pour privilégier le marbre, l'eau et le sable des allées qui, d'une parfaite rectitude, s'étendent volontairement hors de vue, là où la campagne est restée intacte. Les jardins du château de Versailles, hommage rendu à la toute-puissance de Louis XIV, sont l'expression la plus éclatante d'un esprit rationnel propre aux Français.
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