ENTOURER SON JARDIN - QUELQUES RÈGLES À OBSERVER

Le jardin d’agrément, lieu de spectacle dont le jardinier est le metteur en scène, doit être conçu comme un théâtre. Un certain
nombre d'éléments en constituent le décor permanent et en organisent l’infrastructure, indispensable au bon déroulement d’une féerie annuelle en quatre tableaux dont les végétaux sont les acteurs.

Parlons d’abord des clôtures qui jouent, à cet égard, un rôle essentiel : il est souhaitable, en effet, que l’accès du jardin soit protégé, et que l’espace intérieur, agencé selon le goût du propriétaire, soit clairement délimité. Or l'installation d'une clôture est une opération importante à un double titre :

elle a, a priori, un caractère définitif, et doit donc s’incorporer au décor permanent des lieux ;

elle met en cause le voisinage, ce qui ne va pas sans créer un certain nombre de problèmes que nous allons rapidement examiner.
QUELQUES RÈGLES À OBSERVER
Les problèmes de mitoyenneté envahissent depuis toujours les rôles des tribunaux d'instance. Non que les Français soient plus procéduriers que d'autres, mais il est évident que de multiples difficultés qu'il n'est pas toujours possible de régler à l’amiable naissent du voisinage. La bonne volonté mutuelle — si tant est qu'elle existe — se heurte fréquemment, en effet, à l'impossibilité apparente de surmonter équitablement des litiges nés de circonstances parfois obscures et, de ce fait, difficiles à analyser.

Le Code civil consacre un certain nombre d'articles à ces questions, mais si l'on voulait rassembler les textes qui, directement ou indirectement, touchent aux droits de propriété, en y ajoutant la jurisprudence qui s'y attache, les rayons d'une bibliothèque suffiraient à peine. Et pour voir clair dans ce monument de papier, encore faudrait-il qu'un spécialiste en droit foncier veuille bien nous apporter ses lumières... Heureusement, la possession d'un jardin n'est pas nécessairement la source de litiges désagréables. En respectant quelques règles simples, prévues par le législateur, on pourra éviter la plupart des embûches qui guettent le possesseur d'un terrain entouré de propriétés mitoyennes. La première de ces règles, en apparence la plus simple, étant, bien entendu, de nouer des liens amicaux avec ses voisins dès l'acquisition ou la prise de possession du jardin.

Le bornage

Nous avons déjà insisté sur l'importance du bornage et sur le respect que l'on doit aux limites définies par le géomètre. Il faut savoir que tout propriétaire d'un terrain peut mettre son voisin en demeure de faire borner les limites de sa propriété, le bornage se faisant alors à frais communs, chacun réglant une quote-part au géomètre expert qui aura pratiqué le relevé. Dans le cas d'un refus de l'un des propriétaires, le tribunal de grande instance est seul compétent pour statuer sur la demande de bornage.

Vous pouvez également faire vérifier ou rétablir un bornage existant quand vous entrez en possession de votre terrain, surtout s'il s’agit d'un lotissement ; mais les frais seront alors à votre charge.

En règle générale, et bien qu’elle soit assez coûteuse, une opération de bornage est simple, puisqu’elle
ne fait que préciser le tracé du relevé cadastral de la commune. Malheureusement, il n’en est pas toujours ainsi, et des contestations peuvent naître d’un acte de propriété douteux ou de servitudes oubliées, ou volontairement négligées par les propriétaires précédents. Là encore le tribunal de grande instance devra être saisi, si le litige, après consultation des actes notariés, n’a pu se résoudre à l’amiable. La matérialité du bornage est constituée par des plots de ciment ou de matière plastique enfoncés en terre, que les géomètres disposent de telle sorte que leur alignement détermine la limite des propriétés. Il est interdit de recouvrir volontairement ces bornes* et à plus forte raison, de les arracher, ce qui constitue un délit pour peu que l'on apporte la preuve d’une intention de tromperie.

Le bornage délimite donc l'étendue de votre propriété. Il ne vous autorise pas pour autant à faire tout ce que vous voulez à l'intérieur des limites qu'il matérialise. Nous verrons ce qu'il en est à propos des murs et clôtures mitoyens.

Le droit de passage

Le droit de passage sur une propriété voisine peut naître soit d'un usage ancien et reconnu, soit de circonstances nouvelles rendant une propriété totalement dépendante de ses voisines.

Dans le premier cas, il vous appartient de prendre les renseignements indispensables auprès de votre notaire, si l'un ' de vos voisins
invoque un droit de passage sur une partie de votre terrain. Dans le second cas, le droit de passage pour pénétrer dans une propriété enclavée est une obligation pour les voisins. On peut régler ce problème à l'amiable, mais il est plus sage, pour préserver l'avenir, de le résoudre par un accord écrit et enregistré.

Nous n'évoquerons pas, car cela sort du cadre de ce livre, les multiples servitudes qui peuvent frapper un terrain et dont beaucoup ressortissent de règlements communaux ou de coutumes anciennes n'entrant pas dans une nomenclature précise.

Les murs mitoyens

Si votre propriété est bordée de murs, vous devez savoir que tout mur est présumé mitoyen s’il n'y a pas « titre ou manque du contrat ». Ce qui signifie, en clair, que le mur bordant un terrain n'appartient en propre au propriétaire de cette parcelle que si ce dernier l'a fait construire de ses deniers, s'il peut en apporter la preuve et que l'assise du mur n’excède pas les limites de la propriété. Si vous êtes un acquéreur de seconde main, la propriété du mur devra être précisée dans l'acte de vente. En l'absence
de certitude quant à la mitoyenneté d'un mur, celui-ci est réputé appartenir au propriétaire dont la parcelle reçoit les eaux de pluie ou, à défaut, au propriétaire se trouvant du côté du mur où sont les parements. En fait, ces clauses sont presque aussi difficiles à utiliser l’une que l'autre, sauf si le mur est coiffé d’un rang de tuiles inclinées vers votre jardin, dans le premier cas, ou si le mur n'a reçu de parements que d'un seul côté, dans le second.

Un tel exemple montre bien quel caractère « byzantin » peut prendre une querelle de mitoyenneté... Un propriétaire a la possibilité de construire le long d'un mur mitoyen et de faire pénétrer dans ce mur les poutres ou les solives nécessaires au bâtiment, mais il se gardera de creuser trop profondément les logements de ces poutres ou solives. En effet, 54 mm de maçonnerie doivent être réservés entre le fond du logement de la poutre et la surface extérieure du mur. En outre, le bâtiment que vous pouvez accoler à un mur mitoyen ne peut être ni un foyer, ni un barbecue, ni un clapier, ni un poulailler, ni, en règle générale, une construction dont la fonction pourrait, par définition, créer une gêne quelconque à vos voisins. Vous pouvez également faire grimper des plantes le long d'un mur mitoyen, mais à la condition expresse d'obtenir l'accord de votre voisin. En fait, il vaut mieux interpréter cette possibilité dans son sens restrictif, et éviter les plantes grimpantes dont le développement incontrôlé pourrait être, à l'avenir, la source de bien des conflits.

Vous pouvez aussi, si vous le désirez, faire surélever un mur mitoyen, mais à une double condition : que cela ne crée aucun trouble de jouissance à votre voisin ; que vous assumiez tous les frais de cet aménagement sans pour autant prétendre à un supplément de droits sur le mur.
Vous ne pouvez pratiquer dans un mur mitoyen aucune excavation ou enfoncement qui en réduiraient l'épaisseur définitivement, quelle que soit l'importance de cette atteinte à l'intégrité de l'ouvrage.

En revanche, si un mur mitoyen a besoin de réparations, celles-ci seront à la charge de ceux qui peuvent prétendre y avoir des droits. De même, la reconstruction d'un mur incombe aux deux parties et, si l'une ou l'autre ne peut assumer les frais qui lui reviennent, le droit de propriété de la partie défaillante pourra être contesté et annulé. Encore faut-il que ce mur ne soutienne pas une construction vous appartenant car dans ce cas vous seriez contraint, sans échappatoire possible, de participer à l’entretien ou à la reconstruction du mur mitoyen.

Les plantations

Tous les problèmes découlant d'un mur mitoyen se retrouvent souvent amplifiés, lorsque la séparation entre deux propriétés est d'une autre nature. Un fossé, par exemple, ou une haie, une clôture métallique ou une rangée d'arbres sont considérés comme mitoyens s’ils sont implantés sur la limite séparative de deux propriétés.

Pour ce qui est des plantations, la mitoyenneté sous-entend le partage des charges : soins, élagage, etc., et le partage des profits : fruits, bois d'abattage... À charge pour les deux parties de se mettre d’accord pour les travaux, la récolte... et la répartition des uns et de l’autre, ce qui est parfois beaucoup plus compliqué qu’on ne l’imagine.

Pour plus de sûreté, si vous entrez en possession d’un terrain sans clôture, prenez la peine de consulter les règlements municipaux ou, le cas échéant, les règlements de copropriété propres aux lotissements. Généralement, on considère que les arbres dépassant 2 m de haut à l’âge adulte ne peuvent être implantés à moins de 2 m de la limite séparative de deux propriétés. Pour les arbustes et les buissons, il est admis qu’ils doivent être plantés de telle sorte qu’on puisse les entretenir et les tailler sans empiéter sur le territoire du voisin. Une distance de 50 cm est considérée comme suffisante.

Si les plantations sont faites le long d’un mur mitoyen, cette même distance doit être observée, avec une tolérance, cependant, pour la plantation d'arbres fruitiers en espalier, lesquels peuvent être plantés à une moindre distance. Mais il faut alors veiller à ce qu’en aucun cas les branches ne dépassent le sommet du mur. De même, si un arbre d’ornement, même âgé de plus de trente ans, venait à lancer une branche au-delà de la clôture, votre voisin (qui éventuellement bénéficierait de plein droit des fruits tombés chez lui) pourrait vous demander d'élaguer votre arbre et, au besoin, pourrait faire exécuter ce travail à vos frais.

Si étranges que puissent paraître ces usages, il faut les respecter si l'on veut éviter les conflits. N'oubliez pas qu'une haie plantée trop près d'une limite séparative peut être arrachée, à vos frais, par autorité de justice.

Les eaux

Autre cause de conflits des plus fréquentes : les eaux.

S'il est normal que vous puissiez user à votre gré des eaux pluviales qui tombent sur votre jardin et, de même, que vous utilisiez les eaux d'une source qui prend naissance dans le sol de votre terrain, il serait illégal d'en priver les propriétés situées en contrebas, si elles profitent de ces eaux ou de leur ruissellement depuis plus de trente ans. Vous avez donc l'obligation de ne pas interrompre par un obstacle l'écoulement normal des eaux vers la propriété de votre voisin.

En revanche, si vous faites établir un bassin ou une piscine, il vous faut veiller à ce que l'écoulement des eaux ne crée aucune gêne autour de vous.

Ces règles fondamentales qui font l'objet de nombreux articles du Code civil montrent assez bien que la première précaution à prendre,
dès que l'on a décidé de l'achat d'un terrain, est de s’informer, de la manière la plus précise, des servitudes diverses pouvant découler du voisinage immédiat.

Mieux vaut longuement réfléchir, avant d’exiger ce que l’on considère comme son dû, aux avantages que l'on peut en tirer, de même qu’aux inconvénients dont lesdits avantages peuvent être la source. Un bon compromis est toujours préférable à un méchant procès.

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