LA ROSE AUX MILLE VISAGES - UNE LONGUE HISTOIRE

La rose n’est pas une fleur comme les autres, de même que le rosier n’est pas un simple buisson à fleurs. Pour des raisons
mystérieuses, la rose fait partie de la mythologie des civilisations orientales et européennes : signe délicat et fragile d’un passé qui se fond dans la brume de nos origines.
UNE LONGUE HISTOIRE
La rose vivait sur la terre bien avant que l’homme y fasse son apparition. Les géologues ont retrouvé, dans des roches datant de 50 millions d’années, les traces fossiles d’un rosier, assez semblable aux églantiers de nos haies : on y reconnaît le rameau feuillu si facilement iden-
tifiable, mais la fleur n’y a pas laissé son empreinte.

Durant des millions d’années, les roses sauvages ont fleuri notre terre, mais ce n’est qu’un millénaire avant la naissance de J.-C. qu’appa-rurent les premiers rosiers cultivés : le rosier des Mages, aux fleurs d’un rose plus ou moins vif, très odorantes, poussait dans les jardins du Moyen-Orient vers 1200 avant J.-C. Nous le connaissons encore aujourd’hui sous différentes formes : le rosier des chiens (Rosa canina) ou églantier des haies, l’églantier rampant (Rosa arvensis), le rosier des Alpes (qui n’a pratiquement pas d’épines), le rosier à feuilles de pimprenelle (Rosa pimpmellifolia), le rosier à feuillage persistant (Rosa sempervirens) enfin.

De cette famille rustique et déjà
nombreuse sont issues la rose de France (Rosa gallica), la rose cent-feuilles (Rosa centifolia), la rose de Damas (Rosa damascena) qui ont fleuri tous les jardins de l’Occident jusqu’au xvne siècle. On les appelle aujourd’hui roses « botaniques » ou roses « anciennes ».

Théophraste, philosophe grec du me siècle avant notre ère, affirmait que les roses les plus courantes avaient cinq pétales, mais que d’autres en possédaient quinze, vingt et même cent, ce qui indique que les anciens précurseurs de nos rosiéris-tes avaient déjà beaucoup travaillé les phénomènes d’hybridation. Les Latins maîtrisaient d’ailleurs une technique certaine puisque l’on vendait à Rome, avant notre ère, des roses épanouies aux alentours du mois de janvier. Cultivées pendant plus de quinze siècles, les roses « galliques » finirent par donner des sujets qui refleurissaient en automne.

Vers les années 1780, arriva de Chine le rosier à odeur de thé (Rosa indica fragans) : croisée avec les roses galliques, cette rose asiatique est à forigine des hybrides remontants.

Au xixe siècle, le mouvement s’accélère : en 1842, un rosiériste français, Laffay, invente la « Reine », premier hybride fixé de rose à odeur de thé et d’espèces indigènes françaises. En 1847, un Lyonnais, Guillot, obtient un autre hybride très proche de la rose à odeur de thé, la « France », mais de caractère franchement rustique ; trente ans plus tard, chez le même rosiériste, naît « Pâquerette », ancêtre de tous les rosiers polyanthas. Enfin, en 1900, un autre rosiériste lyonnais, Pernet-Duchet, donne son nom à toute la famille des Pernetia-na en créant le « Soleil d’Or », obtenu par croisement d’hybrides de thé et d’hybrides remontants à fleurs jaunes (Rosa lutea).

La famille des roses s’accroît alors régulièrement, les hybrides de thé restant à l’origine de tous les buissons à grandes fleurs et des variétés multiflores dérivant vers les polyanthas. Il serait parfaitement vain de vouloir définir aujourd’hui l’origine de toutes les espèces existantes que les grands rosiéristes contemporains s’emploient à brouiller un peu plus chaque année. En France seulement, Chabert, Mallerin, Meil-land, Robichon ne cessent de multiplier les variétés.... sans être parvenus jusqu’ici à donner forme au rêve auquel aspirent tous ces jardiniers poètes : créer la rose bleue et la rose noire.

Nées de croisements des rosiers à grandes fleurs avec des polyanthas à petites fleurs, de nouvelles espèces présentent des fleurs en bouquets qui, tout en étant petites, ont la même forme que les roses « nobles » à grandes fleurs : on les appelle floribundas.

Parallèlement, d’autres races de rosiers (Rosa multiflora et Rosa wichu-raïana) ont donné des variétés grimpantes « sarmenteuses » qui, conjuguées à leur tour avec des variétés remontantes, ont produit des variétés dites « climbing » : ainsi un même rosier peut avoir deux formes : l’une normale, par exemple un rosier nain à grandes fleurs, et l’autre « climbing » qui sera la forme sarmenteuse du précédent. Chaque année, des dizaines d’espèces nouvelles sont jetées sur le marché, rendant vaine toute tentative de classification scientifique. Pour illustrer ce jaillissement continu, l’impératrice Eugénie, au milieu du xixe siècle, rassembla à la Malmaison toutes les espèces connues alors : on lui en trouva 200 environ dans le monde entier. Les estimations actuelles oscillent entre 25 000
et 30 000 variétés, dont la majeure partie font l’objet d’un dépôt de brevet et sont donc de purs produits commerciaux.
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